To Be or Selfie? La question d’un Hamlet aveuglé par la folie du monde contemporain.
Hamlet Take Away est une réflexion ironique et amère qui naît de l’observation et de l’écoute de la réalité environnante, qui nous attire et nous fait peur. Hamlet, symbole du doute et de l’insécurité, icône du mal-être et de l’inadéquation, s’est imposé petit à petit comme le personnage idéal à qui confier le témoin de cette enquête. Mais le Hamlet de Hamlet Take Away procède aussi à l’envers : c’est un Hamlet qui préfère échouer plutôt que d’abandonner, qui ne se pose pas beaucoup de questions et décide de se plonger d’abord dans les choses, même s’il sait qu’elles ne vont pas lui apporter rien de bon. Il est conscient mais perdant, numéro neuf, mais avec un vieil maillot de l’Inter FC. Il est rendu fou par la vitesse, la virtualité et la pornographie de cette réalité. Hamlet est en sérieuse difficulté quant au sens des choses, submergé par une crise si généralisée et profonde qu’elle met en péril des histoires solides et consolidées comme sa relation amoureuse avec Ophélie et sa relation avec le théâtre.
« Être ou paraître, c’est ça le choix. Fermer les yeux et plonger à l’intérieur de soi pour vraiment se connaître et s’accepter tels qu’on est, ou continuer à s’isoler en adhérant à des communautés virtuelles pour se sentir moins seuls et tous pareils ? En prouvant qu’on est heureux, en mettant des likes sur les pages des amis. En postant des photos magnifiques, séduisants et sans rides grâce à Photoshop. Des photos de couchers de soleil, d’une belle assiette de spaghettis ou des effets de la pluie tropicale. En prenant des selfies même à la plage, tous ensemble, souriants, toujours bien habillés, un verre à la main même dans l’eau, pour que le monde sache toujours où on est ? Avec qui je suis ? Mais surtout, comment je suis ? Apparaître, apparaître, de peur de disparaître, mais apparaître. Beau, canon, number one, et se sentir enfin, pour une fois dans la vie, digne d’envie. To be or Selfie. This is the question for me, my friend. »
ITW de Gianfranco BERARDI par Alain ENJOLRAS :
